Snéfrou (-27e siècle/-26e siècle)
SNÉFROU
Chronologie
-2700 à -2600
Vers -2613 (EP 801), ou vers -2543 (HP 62), Snéfrou devient le premier roi de la IVe dynastie selon Manéthon (EP 117, 807, HP 71) et règne plus de 30 ans (HP 71), peut-être 47 ans (RS). Il succède peut-être à Houni qui paraît être le dernier pharaon de la IIIe dynastie et dont le règne s'achève vers -2544 (HP 71). La généalogie de Snéfrou est compliquée. Sa mère Meresânkh n'est pas de sang royal et doit être une concubine de Houni. Snéfrou épouse sa demi-sœur Hétéphérès I, fille de Houni et mère de Khéops, le pharaon suivant. Ces mariages consanguins ont pour objectif de renforcer la légitimité du pouvoir du pharaon, coutume que les rois phéniciens leur emprunteront (HP 71). Snéfrou a aussi comme épouse Mérititès (HP 73).
A partir du règne de Snéfrou, les chercheurs disposent de données de nature plus politique. Dans le domaine de l'occupation territoriale et de l'exploitation du pays, les annales royales montrent que Snéfrou créa de nombreux centres agricoles, 35 en une seule année. L'empreinte de ses initiatives sur le paysage de Basse Egypte fut telle que 1000 ans plus tard, certains toponymes du sud de la région de Memphis conservaient encore le nom de ce roi (EP 117). A partir du règne de Snéfrou, les textes égyptiens mentionnent explicitement le commerce du bois. Cependant l'exportation de bois de cèdre est attestée dès le IVe millénaire, par la découverte de cèdre du Liban en Egypte (HP 62). Sur le plan militaire, Snéfrou lança des expéditions en Basse Nubie et en direction de la côte lybienne. Enfin, pour les échanges extérieurs, il fut à l'origine d'expéditions égyptiennes au Levant (EP 117). La Pierre de Palerme, sur laquelle sont inscrites les annales des pharaons depuis les origines jusqu'à la IVe dynastie, relate les exploits les plus notoires de Snéfrou, année après année. Snéfrou est d'abord un roi guerrier qui mène une expédition en Nubie égyptienne pour mater une révolte. Il en ramène 7.000 prisonniers et 200.000 têtes de bétail. La Nubie est depuis longtemps pour l'Egypte un réservoir de main-d'œuvre pour les gros travaux et pour le maintien de l'ordre. Elle lui permet en outre de contrôler le transit caravanier des produits africains comme l'ébène, l'ivoire, l'encens, les animaux exotiques et les œufs d'autruche. Sans oublier le contrôle de l'exploitation de l'or dans le désert de Nubie. Snéfrou mène aussi une campagne contre les Bédouins du Sinaï. Son but n'est pas de contenir ainsi d'improbables envahisseurs venus de Syrie-Palestine. Il veut établir solidement l'exploitation des mines de cuivre, de malachite et de turquoise, que disputent les Bédouins à l'Egypte. Toutefois, cet état de guerre larvé ne l'empêche pas de poursuivre et même de renforcer ses relations commerciales avec la zone syro-palestinienne, par voie maritime. Pour la première fois, on dispose du récit d'une expédition égyptienne pour ramener du bois. Snéfrou a d'énormes besoins en bois, car c'est un roi bâtisseur. Il fait construire des navires, un palais, des forteresses, des temples, des résidences et trois pyramides. Dans un premier temps, pour se démarquer de la dynastie précédente, il déplace la nécropole royale de Zaouiet el-Aryan à Meïdoum, où il se fait construire une première pyramide (HP 71-72). Le chantier de la pyramide de Meidoun dure peut-être 14 ans (RS). Vers l'an 13 de son règne, Snéfrou laisse cette pyramide inachevée pour entreprendre à Dahchour deux nouvelles pyramides (HP 72). Ainsi, il fait édifier la pyramide rhomboïdale, dont le chantier dure peut-être 13 ou 14, puis la pyramide rouge, dont le chantier dure peut-être 20 ans (RS).
Le texte de la Pierre de Palerme comporte des lacunes et le nom de Byblos n'y figure pas, mais il est facile à restituer. Trois années consécutives du règne de Snéfrou sont consacrées à la construction de navires et à une importante expédition pour se procurer du bois, certainement à Byblos. La première année, le pharaon fait construire deux navires, l'un de 52m et l'autre de 32m de long, en bois de cèdre ou de pin. La langue égyptienne des époques pharaoniques est tantôt d'une grande subtilité, tantôt floue. De ce fait, l'identification des termes désignant les essences de bois n'est pas facile. Le texte mentionne une expédition de large envergure, l'arrivée de 40 navires remplis de cèdre. Le terme employé peut désigner le bois ou la résine de cèdre. L'Egypte utilise à cette époque une grande quantité d'onguents extraits de la résine de conifère, lors de diverses manifestations royales ou religieuses. L'analyse de résidus de vases montre qu'elle importe de résines de conifères de Byblos. Mais les 40 navires de l'expédition de Snéfrou doivent plutôt transporter du bois car, l'année suivante, il fait construire 3 nouveaux navires de 52m de long, en bois de cèdre ou de pin. La troisième année, il fait fabriquer des portes en bois de cèdre pour son palais. Le nom de Byblos figure aussi sur la fausse porte d'une mastaba, maison funéraire de la même époque, à Gizeh. Les relations de Snéfrou avec Byblos ont laissé quelques traces dans Byblos. Dans les dépôts des fondations du temple de Baalat a été découvert un vase en albâtre portant le nom de Mérititès, une épouse de Snéfrou. Près de l'embouchure du Nahr Ibrahim, au sud de Byblos, a été trouvé une hache en cuivre portant une inscription en hiéroglyphes indiquant qu'elle appartient à un bûcheron d'une expédition égyptienne, un indice intéressant d'une possible relation avec l'expédition de Snéfrou (HP 72-73).
-2600 à -2500
Vers -2589 (EP 801), ou vers -2510 (HP 62), Snéfrou laisse le trône d'Egypte vacant et Khéops lui succède. Khéops poursuit la même politique que son prédécesseur (EP 117). Il n'est pas tout à fait certain que Khéops ait été un descendant direct de Snéfrou. Très peu de documents contemporains concernant la structure de la famille royale nous sont parvenus et les éléments qu'ils contiennent ne doivent pas être pris au pied de la lettre. Les qualités de père, de mère; de fils et de fille peuvent tout aussi bien témoigner d'un lien politique que biologique (EP 118-119).
Après le règne de Snéfrou
Snéfrou est demeuré une figure légendaire. Il est si populaire qu'il sera divinisé au Moyen Empire, comme modèle du roi parfait dont se réclameront ses successeurs (HP 71).
Diverses sources chronographiques antiques nous renseignent sur la longueur supposée du règne de Snéfrou. Les Aigyptiaka de Manéthon, tels que retranscrits dans l'épitomé de Sextus Julius Africanus puis compilés par le moine byzantin Georges le Syncelle dans son Extrait de Chronographie font état de 29 années de règne pour le 1er roi de la IVe dynastie, qu’il nomme Soris. Dans les écrits de Pseudo-Ératosthène, Snéfrou est nommé Sirios et 18 années de règne lui sont attribuées (RS).
Au cours de la XIXe dynastie, la copie du Canon Royal de Turin est réalisée. Cet enregistrement chronographique à vocation archivistique associe noms de rois, regroupés en maisons, et durées de règnes. Très lacunaire en ce qui concerne les règnes de l’Ancien Empire, le papyrus signale tout de même que Snéfrou aurait régné durant 24 années (RS).
Variété des dates
Les dates de la chronologie sont des dates approximatives et peuvent fortement variées selon les sources. En effet, les documents utilisés par les chercheurs pour tenter d'établir l'Histoire n'utilisent pas des dates exactes en rapport avec notre système actuel. Il arrive souvent que ce soit des temps relatifs à tel ou tel règne. Les documents ne sont d'ailleurs pas toujours contemporains des évènements qu'ils documentent. Les dates reprises ici ne sont donc pas à prendre stricto sensu mais plutôt comme des repères chronologiques dans une palette large (NDR).
Sources de l'article
EP : Damien Agut, Juan Carlos Moreno-Garcia, Joëlle Cornette (dir.). L'Égypte des pharaons, de Narmer à Dioclétien. Collection Mondes anciens. Editions Belin, 2016.
HP : Josette Elayi. Histoire de la Phénicie. Collection Tempus. Editions Perrin, édition 2013, réédition 2018.
RS : Aurore Ciavatti. Le règne de Snéfrou, nouvel examen des sources chronologiques. BIFAO, Bulletin de l'Institut Français d'Archéologie Orientale, 122-2022. Article en ligne OpenEdition.
Autres bibliographies
Pierre Tallet. Qahedjet=Snéfrou ! BIFAO, Bulletin de l'Institut Français d'Archéologie Orientale, 124-2024. Article en ligne OpenEdition.