La Thrymskvida

LA THRYMSKVIDA


Le mythe

Il fut un jour où Thor s'éveilla et s'aperçu que son puissant marteau avait disparu. Il avait été volé. Ceci était inconcevable car, sans lui, les Géants risquaient de détruire Asgard, le domaine des dieux. Mais Loki se rangea aux côtés de Thor et, ensemble, ils se rendirent chez la belle déesse Freyia, à qui ils comptaient emprunter sa peau emplumée pour survoler les terres habitées. Freyia accepta la demande et Loki enfila la peau avant de s'envoler pour Jotunheim, le royaume des Géants.

Loki rencontra alors le roi géant Thrym qui, devant lui, se vanta d'avoir caché le marteau et lui déclara qu'il ne le rendra que si les dieux consentent à lui accorder la main de Freyia. Loki retourna à Asgard et informa Thor de la requête du géant. Ensemble, ils se rendirent à nouveau devant Freyia pour lui annoncer qu'elle devait se rendre à Jotunheim et accepter le mariage avec Thrym. Mais Freyia refusa et entra dans une rage terrible. Les dieux se réunirent alors à la hâte afin de trouver une solution et ce fut Heimdall qui la trouva. En effet, il suffirait que Thor se déguise en femme et se rende à Jotunheim en se faisant passer pour Freyia. Dans un premier temps, l'idée ne plus pas du tout au dieu du Tonnerre, mais il finit par se laisser convaincre. C'est ainsi qu'il partit pour Jotunheim, déguisé en femme, et accompagné de Loki, déguisé en servante.

Thrym et les autres géants furent trompés par la ruse des dieux. Mais, lors du festin nuptial, Thor manqua de faire échouer le plan. En effet, le dieu du Tonnerre bu et mangea tant que Thrym fut horrifié par le monstrueux appétit de sa fiancée. Heureusement, Loki parvint à sauver la situation en expliquant au géant que sa future épouse était si éprise du géant qu'elle n'avait pu avaler le moindre morceau pendant de nombreux jours. Thrym, pressé d'achever la noce, se fit alors apporter le marteau sacré pour en bénir la jeune mariée. Thor s'empara alors de l'arme et entreprit d'exterminer la race des géants. Et c'est ainsi que le dieu du Tonnerre retrouva son marteau.

(MN 20-22)


Le texte

Le récit de la Thrymskvida fait partie du Codex Regius (NDR). C'est un poème narratif vif et plein d'humour. Il est si incisif que l'on est amené à se demander quelle sorte de poète put bien produire ces vers. Nous savons seulement qu'ils durent être écrits avant la fin du XIIIe siècle. Plusieurs hypothèses peuvent être imaginées. Le texte aurait pu être écrit par un païen qui se serait moquer ainsi de ces dieux dont il implorait par ailleurs le soutien. Ou il aurait pu être écrit par un auteur chrétien qui voulait tourner en dérision ces fausses divinités. Dans cette dernière hypothèse, cette œuvre s'inspire peut-être d'un mythe nordique antérieur, ou bien elle fut composée de toutes pièces dans le seul but de ridiculiser une foi ancienne (MN 22-23).

L'Edda poétique est un ensemble de textes sans lien apparent consistant en des poèmes plus ou moins courts. Ces œuvres sont collationnées pour la plupart dans le Codex Regius, manuscrit islandais sur vélin qui figura pendant des siècles parmi les trésors de la Bibliothèque royale de Copenhague avant que le gouvernement danois décide de le restituer à sa terre natale, en 1971. Datant de la seconde moitié du XIIIe siècle, soit près de 300 ans après la conversion de l'Islande au christianisme, ce Codex Regius comprend 29 poèmes, dont 11 traitent de sujets mythologiques et 16, plus 2 fragments, parlent des héros et héroïnes de l'antiquité germanique. A ce corpus s'ajoutent enfin des poèmes de forme ou de nature similaire préservés dans d'autres manuscrits, ainsi que quelques citations de vers disséminées dans des textes en prose. Tout ce matériel, il convient de le noter pour éviter les conclusions trop hâtives, faisait partie intégrante d'une littérature versifiée dont ne subsistent plus aujourd'hui que des traces éparses (MN 18-19).

Bien que l'on sache quand et où le Codex Regius fut rédigé, il est terriblement difficile, et peut-être même impossible, de déterminer les dates de composition et les lieux d'origine des poèmes eddiques qu'il contient. Car ce manuscrit réunit au hasard des œuvres écrites à des époques et en des lieux très divers. Ainsi, certains poèmes peuvent remonter au tout début de l'Âge viking, d'autres semblent plutôt montrer comment la civilisation scandinave se médiévalisa au XIIe siècle. Quelques-uns sont vraisemblablement norvégiens, d'autres paraissent provenir de colonies occidentales peut-être situées en Irlande ou au Groenland (MN 19).


Sources de l'article

MN : R.I. Page. Christian Cler (trad.). Mythes nordiques. Collection Points Sagesses. Editions du Seuil, édition traduite 1993, édition originale 1990.



Autres articles

Burna-Buriash II (-1359 à -1333)

Shu-Ilishu (-20e siècle)

Gélimer (530 à 560)