Dagobert I (618 à 639)

DAGOBERT I


Chronologie

600 à 650
Avant 618, Clotaire II et Berthetrude ont un fils, Dagobert (NDR).
NB : Dagobert est le fils de Berthetrude (EM 199, 212) qui décède en 618 (EM 196).

En 618, Berthetrude décède. Par la suite, Clotaire II se remarie avec Sichilde (EM 196).

En 622, Clotaire II décide d'installer Dagobert I, un de ses jeunes fils, comme roi d'Austrasie. Cependant, le Teilreich de Dagobert I ne comprend ni la Champagne, ni le duché de Dentelin, ni les cités du sud de la Loire traditionnellement contrôlées par les rois francs de l'Est. Les grands qui tiendront le pouvoir et au nom de Dagobert I n'auront ainsi que des moyens réduits. La présence parmi les grands autour de Dagobert I d'un Agilolfing nommé Chrodoald laisse entendre que le duché de Bavière reste dans l'orbite austrasienne. C'est aussi sans doute le cas de l'Alémanie et de la Thuringe. A peine mise en place, la cour de Dagobert est agitée de tensions qui conduisent à l'élimination de Chrodoald (EM 195). Pour tenir ses Etats, Dagobert I choisit d'apparaître personnellement dans les anciens Teilreiche et il y incarne l'autorité royale, comme l'a fait son père. Au tout début de son règne, il circule en Burgondie, en Neustrie et en Austrasie (EM 201). Au cours de son règne, Dagobert I soumet peut-être Judicaël, roi des Bretons, sous la menace d'une dévastation opérée par les armées mérovingiennes. En effet, les Bretons continuaient à vivre tantôt des périodes de sujétion au monde franc, tantôt des périodes de prédation à l'est de la Vilaine. Il existe aussi peut-être des tractations entre Dagobert I et les Bretons alors que la paix semble difficile à maintenir. Egalement au cours de son règne, à une date difficile à situer, Dagobert I s'empare du sud de la Frise. Il profite de l'occasion pour fonder un atelier monétaire, ce qui implique qu'il y a des taxes à collecter. Il donne aussi une petite église située à Utrecht à l'évêque Cunibert de Cologne, homme fort du Palais d'Austrasie, avec pour injonction de s'en servir comme base missionnaire (EM 204). Peut-être au cours du règne de Dagobert I, des Slaves formant la tribu des Sorbes se soumettent au royaume franc, même si leur fidélité reste incertaine (EM 205). Au cours de son règne, Dagobert I instaure au monastère royal de Saint-Denis une louange perpétuelle, laus perennis, où des moines se relaient dans une organisation rigoureuse pour entretenir une liturgie qui ne s'arrête jamais, et apporte la protection des saints aux défunts mais également au royaume (LOM 80).
NB : La soumission des Sorbes s'effectue probablement avant 630 puisqu'en 630, les Sorbes entrent en rébellion et s'allient aux Wendes (NDR).

En 624, au plus tard, émergent deux hommes forts, Arnoul évêque de Metz, et Pépin I dit de Landen, son allié, qui se voit attribuer la mairie d'Austrasie (EM 195).

En 625, Clotaire II ordonne à Dagobert I d'épouser Gomatrude, la sœur de Sichilde, qui est l'épouse de Clotaire II. Les grands de l'Est profitent du mariage de Dagobert et Gomatrude pour encourager Dagobert I à réclamer tous les territoires qui avaient naguère formé le royaume de Théodebert II. Le conflit entre Clotaire II et Dagobert I reflète en réalité celui de leurs deux entourages. Clotaire II et Dagobert I s'en remettent peut-être pour finir à la décision de douze grands, dont des évêques, notamment Arnulf de Metz. Une solution est trouvée et Dagobert I récupère une grand Champagne tandis que Clotaire II garde sous son contrôle direct les anciennes cités austrasiennes de Provence et d'Aquitaine, notamment la riche Auvergne. Ce type de règlement rappelle que les leudes peuvent aussi être des agents de paix lorsque leurs intérêts sont satisfaits par la négociation (EM 196). Au cours de la même année, Eloi devient maître de la monnaie et conseiller de Clotaire II et de Dagobert I (LOM 76).

En 629, la mort de Clotaire II ouvre, comme à l'habitude, une crise de succession entre ses descendants. Dagobert I, fils de la reine Berthetrude, et Charibert II, fils de Sichilde, s'opposent. L'affrontement se joue probablement entre les grands d'Austrasie, dirigés par le groupe du maire Pépin de Landen, et le réseau de Brodulf, oncle et tuteur de Charibert II. Ce dernier est toutefois très jeune et il semble qu'il souffre d'un handicap, une simplicitas, qui et peut-être physique ou mentale. Cependant, rien de ceci ne le disqualifie puisqu'il y a déjà eu des rois impotents dans la dynastie mérovingienne. Plus âgé, mieux entouré ou plus fortuné, le roi d'Austrasie réussit à attirer à lui la fidélité d'une majorité de leudes neustriens et burgondes. Dans ces conditions, une solution originale est négociée. Dagobert I reçoit les régions capitales des trois principaux Teilrech, mais Charibert II se voit reconnaître roi d'une région située au sud de la Loire et allant de Toulouse à la côte atlantique. En somme, le plus faible des frères se voit confier une marche militaire tournée contre les Wisigoths et surtout contre les Wascons. C'est aussi un espace sur lequel Brodulf a des ambitions. Jamais une telle partition n'a été tentée auparavant, mais elle ne manque pas de pragmatisme. Même s'il est de petite taille, le royaume méridional de Charibert II vient servir les besoins dynastiques, l'appétit d'un groupe de leudes et les intérêts géopolitiques du monde franc. C'est justement ce que l'on attend d'un Teilrech (EM 200). Au cours de l'année, Dagobert a un fils, Sigebert III. Pour l'occasion, Charibert II sert de parrain à son neveu Sigebert III, renouant le lien biologique par un lien spirituel qui est plus protecteur en cas de conflit (EM 200-201). Dès la fin de l'année, Dagobert I fait assassiner Brodulf en mettant à profit l'animosité que plusieurs grands burgondes nourrissent à son égard. Par la suite, certaines nominations épiscopales, comme celle de Didier sur le siège de Cahors, laissent entendre que Dagobert I verrouille le Teilreich de son frère Charibert II par une ceinture d'hommes de confiance. Pour rompre définitivement avec une belle-famille devenue gênante, Dagobert I se sépare de son épouse Gomatrude, sœur de Brodulf, et il se remarie avec une certaine Nanthilde, qui semble être de petite naissance. Par la suite, il accumule les concubines, ce qui suscite les critiques des clercs de son entourage et nuit beaucoup à son image (EM 200). A partir de cette année-là, la cour de Dagobert I se fixe dans la région parisienne. Devenu sédentaire, Dagobert I se met à prélever les biens des leudes et des églises plus qu'il n'en distribue, en somme il se comporte comme jadis l'a fait Brunehaut. Sans doute le roi cherche-t-il à affaiblir certains grands. Dagobert fait par exemple venir Pépin I de Landen à la cour, ce qui contribue à fragiliser le maire d'Austrasie qui n'a plus de contact direct avec ses compatriotes. Arnulf de Metz, grand allié de Pépin I, s'est quant à lui retiré dans la vie monastique. Ayant vidé de sa substance le Palais d'Austrasie, Dagobert I supprime définitivement le Palais de Burgondie. En Neustrie, le maire Aega continue en revanche de disposer d'une grande influence, même si la présence d'un roi adulte à ses côtés lui ôte toute liberté de manœuvre. En somme, la cour de Dagobert I, généralement installée à Clichy, forme pendant quelques années le seul lieu décisionnel du monde franc. Le choix de cette localisation s'explique sans doute par la volonté de Dagobert I d'imiter son père, de résider dans le territoire de la cité de Paris et d'être à proximité immédiate de la Basilique Saint-Denis, laquelle se trouve enrichie de donations et de privilèges (EM 201).

En 630, Dagobert I profite de la mort de son demi-frère Charibert II pour récupérer le contrôle de ses Etats au sud de la Loire. Le défunt laisse un jeune fils, Chilpéric, mais il ne lui est pas permis de récupérer le Teilreich paternel. Les leudes d'Aquitaine, encore moins unis que ceux au cœur de l'Austrasie ou de la Neustrien ne font apparemment pas pression pour conserver un roi autonome. Le monde franc retrouve une direction unique (EM 201-202). Au cours de l'année, Dagobert I envoie une légation à Samo, un marchand franc devenu roi des Slaves nommés Wendes, pour se plaindre des exactions commises par ses hommes à l'endroit des négociants francs. L'ambassadeur de Dagobert I réclame peut-être un assujettissement formel de Samo au pouvoir mérovingien. Prétextant que son ambassadeur a été insulté, Dagobert I lance une expédition contre les Wendes, qui ont été rejoints par des Sorbes entrés en rébellion. L'armée franque subit un cuisant échec (EM 205).

En 631, les Wendes attaquent en Thuringe. Dagobert I réunit contre eux l'armée des leudes d'Austrasie, ainsi que des groupes d'élite, des scarae, issus de Neustrie-Burgondie. En outre, le roi propose aux Saxons de passer la frontière, en échange d'une annulation provisoire de leur tribut annuel (EM 205-206). Ponctuellement, Dagobert I embauche un contingent de Lombards dans sa campagne contre les Wendes, affectant peut-être de traiter les barbares du sud comme il le fait des Saxons (EM 207). Au cours de la même année, Dagobert I envoie une armée en Espagne afin d'aider Sisenand, peut-être duc ou comte de Septimanie, qui tente d'usurper le trône de Swintila (EM 208, HC46 84, GEV 189-190, 375). Les troupes franques s'avancent jusqu'à Saragosse (EM 208, GEV 190) et leur seule présence suffit à faire pencher la balance en faveur de Sisenand (EM 208). Ce dernier obtient le trône et devient roi du royaume Wisigoth (EM 208, HC46 81, GEV 391) mais il doit s'acquitter d'une somme colossale en échange de l'aide fournie par les Francs (EM 208)En effet, Dagobert I exige de Sisenand d'honorer ses engagements et de payer ses services en lui donnant un missorium, c'est-à-dire un plat en or gravé, offert des siècles auparavant par un général romain à un roi wisigoth et resté depuis lors dans le trésor wisigoth. Mais de nombreux Wisigoths refusent de voir cette pièce exceptionnelle quitter leur trésor et Sisenand est contraint à verser à Dagobert I la somme astronomique de 200.000 pièces d'or (HC46).

En 632, Dagobert I installe son très jeune fils Sigebert III comme roi d'Austrasie, avec pour tuteurs Cunibert, évêque de Cologne, et le duc Adalgisèle. Une fois encore, le maire du Palais Pépin de Landen se retrouve marginalisé, ce qui est sûrement le but de la manœuvre. L'Austrasie ainsi reformée conserve le contrôle des duchés périphériques de l'Est, même si le duc de Thuringe Radulf a été nommé par Dagobert I en personne et entretient de mauvaises relations avec l'entourage de Sigebert III. Cette querelle occupe un moment les grands d'Austrasie, qui ne cessent de réclamer de nouveaux avantages territoriaux à Dagobert I (EM 202).

En 632-633, la menace que constitue le royaume de Samo commence à être endiguée par la reconstitution d'un véritable Teilreich d'Austrasie et, surtout, par la nomination d'un duc efficace en Thuringe, Radulf (EM 206)

Vers 632-633, Dagobert I lance un ordre de conversion à l'égard des populations non chrétiennes des cités, c'est-à-dire surtout des juifs mais, peut-être aussi, des païens résiduels. Des indices, minces mais concordants, montrent que cette mesure coercitive est appliquée à Bourges et à Tongres. Même si cette persécution ne semble pas avoir de grands résultats, Dagobert I affiche par ce geste sa volonté de diriger un peuple uniquement composé de chrétiens, à l'image de ce qu'a fait l'empereur Hiéraclus, qui régna de 610 à 641, et le roi des Wisigoths Sisebut, qui régna de 611 à 621. En effet, eux aussi ont ordonné une conversion massive de leurs sujets juifs (EM 202).

En 633, Dagobert I a un second fils, Clovis II (EM 200). Dès cette année-là, Dagobert prépare sa propre succession. Il demande qu'à sa mort, Sigebert III devienne roi d'une grande Austrasie, qui comprendra les anciennes cités aquitaines de Théodebert II, mais pas le duché de Dentelin, sans doute trop riche. Son frère Clovis II recevra pour sa part la Neustrie-Burgondie. De fait, de nombreux leudes neustriens et austrasiens participent à l'élaboration de ce projet et promettent de le respecter le jour venu (EM 202-203).

Au milieu des années 630, Dagobert I semble avoir aussi ouvert ses frontières à plusieurs milliers de Bulgares qui fuient l'Empire avar. Ainsi, il a peut-être demandé aux autorités bavaroises d'accueillir ces réfugiés, avant de se raviser et de les faire mettre à mort (EM 205).

En 635, Dagobert I envoie une grande armée formée de leudes burgondes en Wasconie, ou Gascogne. En effet, par moments, tout l'espace au sud de Bordeaux et à l'est d'Albi se transforme en zone de cleptocratie, même si elle n'est sans doute pas entièrement passée dans le camp des Wascons. L'armée de Dagobert I remporte la victoire et les vaincus sont contraints de venir prêter serment de fidélité au roi (EM 204).

En 638 (EM 211) ou 639 (EM 211, LOM 52), Dagobert I décède (EM 211, LOM 52). Il est alors enterré au monastère royal de Saint-Denis (LOM 80). En Neustrie-Burgondie, Clovis II, âgé de 5 ans, devient roi et passe sous le contrôle de sa mère Nanthilde et du maire du Palais Aega. En Austrasie, le roi Sigebert III reste sous le contrôle d'un groupe de grands qui paraît, lui aussi, assez stable puisqu'il est dominé par Pépin de Landen et l'évêque Cunibert de Cologne (EM 211-212). Dès la fin du règne de Dagobert I, les Francs perdent pied en Frise (EM 204).


Sources de l'article

EM : Bruno Dumézil. L'empire mérovingien, Ve-VIIIe siècle. Passés composés, 2023.
LOM : Joël Chandelier, Joël Cornette (dir.). L'Occident médiéval, d'Alaric à Léonard. Collection Mondes anciens. Editions Belin, 2021.
HC46. Eduardo Manzano, chercheur, Conseil supérieur de la recherche scientifique, Madrid. Le royaume déchiré des Wisigoths. Histoire & Civilisations 46, janvier 2019.
GEV : Céline Martin. La géographie du pouvoir dans l'Espagne visigothique. Presses universitaires du Septentrion, 2003. Version en ligne Academia.